Préface des Éditions de Londres

« La guerre du Péloponnèse », récit écrit par Thucydide, raconte la guerre qui opposa Athènes et ses alliés à Sparte et ses alliés du Péloponnèse de 431 à 404 av. J.-C.

Dans cette guerre qui dura près de trente ans, Athènes sera le plus souvent victorieuse grâce à sa puissance navale. Mais la volonté de certains généraux à poursuivre la guerre quand Sparte réclamait la paix réduisit Athènes à la capitulation et à perdre tout l’empire qu’elle détenait dans les îles grecques et en Asie.

Le récit de Thucydide s’arrête à l’année 411, la suite du conflit ayant été racontée par Xénophon dans ses Hélléniques. Le récit de Thucydide avait été confié à Xénophon.

La traduction que nous publions est celle proposée par J.A.C. Buchon en 1850.

Les caractéristiques de la guerre

La guerre concerne presque toute la Grèce. À l’époque, chaque ville est indépendante et les villes se soutiennent entre elles ou s’opposent.

Dans chaque ville, il existe des factions. Généralement, le peuple cherche le soutien d’Athènes qui est une république et les aristocrates cherchent le soutien de Sparte qui a un roi à sa tête.

Athènes dans les années précédant la guerre s’est beaucoup enrichie en protégeant de nombreuses villes de Grèce auxquelles elle fait payer un tribut.

Sparte et le Péloponnèse sont inquiets de cette puissance. C’est, selon Thucydide, la cause principale de la guerre : « La cause la plus vraie, celle sur laquelle on gardait le plus profond silence, et qui la rendit cependant inévitable, fut, je crois, la grandeur à laquelle les Athéniens étaient parvenus et la terreur qu’ils inspiraient aux Lacédémoniens. »

Athènes est particulièrement puissante sur la mer avec une flotte considérable. Sparte à la meilleure armée terrestre bien entraînée et disciplinée.

La plupart des actions terrestres consistent à priver de nourriture l’ennemi. Les Lacédémoniens ravageront régulièrement la campagne attique sans qu’il y ait de grands combats, les Athéniens refusant l’affrontement direct. Les Athéniens attaquent par la mer et font le blocus des villes en construisant un mur autour pour que les approvisionnements soient impossibles.

Les combats navals jouent le premier rôle dans les succès ou les échecs des uns et des autres.

Au fur et à mesure de l’avancement de la guerre, des dissensions apparaissent dans les villes, une faction appelant Athènes à son secours alors que l’autre faction appelle Sparte.

Les faits marquants de la guerre

431 av. J.-C. : Les Thébains attaquent Platée rompant le traité de trente ans conclu en 446.

430 : Début de la peste à Athènes, elle fera autant de ravages que la guerre.

429 : Mort de Périclès, emporté par la peste.

427 : Platée est contrainte de se rendre aux Lacédémoniens, la ville est rasée et les hommes exécutés.

426 : Les Athéniens mettent en déroute l’armée lacédémonienne à Olpès et massacrent les renforts ambraciotes.

425 : Installation par les Athéniens d’un camp fortifié à Pylos dans le Péloponnèse. Les Lacédémoniens attaquent le camp par la mer. La flotte athénienne détruit la flotte lacédémonienne et encercle les meilleurs soldats de Sparte dans l’île de Sphactérie.

425 : Première demande de paix des Lacédémoniens aux Athéniens. Ceux-ci refusent sous l’impulsion de Cléon.

423 : Trêve d’un an entre Athéniens et Lacédémoniens.

422 : L’armée athénienne commandée par Cléon veut prendre Amphipolis mais elle est mise en déroute par le Spartiate Brasidas. Cléon et Brasidas sont tués.

421 : Traité de paix entre Sparte et Athènes, chacun des deux belligérants devant rendre les villes prises depuis le début de la guerre. Ce traité permettra qu’il n’y ait plus, pendant sept ans, d’affrontements directs entre Sparte et Athènes mais les conflits entre les autres villes grecques persistent.

418 : Bataille de Mantinée. Les Lacédémoniens sont vainqueurs des Argiens alliés aux Athéniens.

417 : Prise de Mélos par les Athéniens.

415 : Expédition de Sicile voulue par Alcibiade contre l’avis de Nicias.

413 : Prise de Décélie à vingt kilomètres d’Athènes par les Péloponnésiens bloquant le réapprovisionnement d’Athènes.

413 : Déroute complète de l’armée athénienne en Sicile, la flotte est perdue et la plupart des 40 000 hommes sont tués.

411 : Mise en place d’une oligarchie à Athènes : le conseil des quatre cents. Elle ne durera que quelques mois.

411 : Prise du contrôle de l’Eubée par les Lacédémoniens. L’Eubée fournissait le blé à Athènes.

411 : La flotte athénienne basée à Samos bat la flotte lacédémonienne dans l’Hellespont redonnant du courage à Athènes.

Résumé des livres

Livre 1

Dans le premier livre, Thucydide, après avoir fait un rappel sur l’histoire ancienne de la Grèce, explique les causes de la guerre. La cause profonde est la puissance d’Athènes qui effraie Sparte.

La cause immédiate provient d’un conflit entre Corcyréens et Corinthiens à cause d’Épidamne. Épidamne, colonie de Corcyre, en difficulté, avait demandé de l’aide à Corcyre. Celle-ci avait refusé. Épidamne s’était alors tournée vers Corinthe. Corinthe lui envoya cette aide.

Corcyre envoie alors une flotte faire le siège d’Épidamne, puis Corinthe envoie à son tour des vaisseaux pour chasser les Corcyréens. Le combat naval s’engage et les Corcyréens sont vainqueurs.

Toute l’année suivante Corinthe renforce sa flotte pour attaquer Corcyre, construisant des vaisseaux et faisant appel aux autres villes du Péloponnèse.

Corcyre est inquiète devant cette préparation de la guerre et demande l’alliance d’Athènes. Athènes, craignant de se retrouver en position de faiblesse si Corcyre est prise par les Corinthiens accepte l’alliance.

Corinthe attaque Corcyre mais les vaisseaux d’Athènes sont là pour la protéger.

Un peu après la bataille de Corcyre, Potidée, colonie corinthienne mais alliée d’Athènes se soulève contre Athènes. Athènes envoie des vaisseaux à Potidée et en prend le contrôle.

Alors à l’instigation de Corinthe, Sparte réunit une assemblée des villes du Péloponnèse. Les Spartiates sont difficiles à convaincre de faire la guerre : « Amoureux de nouveautés, ils (les Athéniens) sont prompts à concevoir et à exécuter ce qu’ils ont conçu : vous (les Spartiates) êtes propres à conserver ce que vous possédez, mais vous n’imaginez rien de plus. Ils ont de l’audace au-dessus de leurs forces ; ils s’exposent aux périls plus qu’ils n’en avaient formé le dessein, et au milieu des dangers, ils sont pleins d’espérance : mais vous, dans l’exécution, vous faites moins que vous ne pouvez ; les mesures les plus efficaces ne sauraient vous donner de confiance, et vous croyez ne pouvoir jamais vous tirer des dangers. Ils aiment à se répandre au-dehors, et personne ne tient plus que vous à ses foyers ; en sortant de leurs murs, ils croient acquérir quelque chose ; en vous éloignant, vous croyez nuire à ce que vous possédez. »

La majorité décide qu’Athènes est coupable d’avoir rompu le traité de paix et qu’il faut se préparer à la guerre. Ils envoient une délégation à Athènes demandant qu’Athènes lève le siège de Potidée et surtout qu’Athènes annule le décret qui interdisait aux Mégariens l’entrée des ports qui étaient sous la domination d’Athènes.

Les Athéniens, ainsi que le leur conseille Périclès, refusent. La guerre va commencer.

Livre 2 – années 431 à 429 av. J.-C.

En mai 431 av. J.-C., des Thébains attaquent Platée, alliée d’Athènes, pour en prendre le contrôle. L’attaque échoue mais c’est la rupture de la trêve de trente ans entre Athéniens et Lacédémoniens conclue en 445 av. J.-C..

Alors, aussi bien Athènes que Lacédémone organisent leurs forces en contactant leurs alliés.

Périclès, qui commande à Athènes, sait qu’Athènes est la plus forte sur mer alors que Sparte est plus forte sur terre. Il demande donc aux Athéniens d’abandonner leurs biens dans la campagne et de se regrouper derrière les murs d’Athènes.

En juillet 431, l’armée péloponnésienne d’Archidamas pénètre dans l’Attique et fait des ravages dans les campagnes. Périclès, malgré l’opposition de certains Athéniens laisse faire. Après un mois, quand ils n’ont plus de vivres, les Péloponnésiens rentrent chez eux sans victoire notable.

Une flotte athénienne va, elle, faire des ravages autour du Péloponnèse. D’autres Athéniens, sous la conduite de Périclès, dévastent la Mégaride.

Fin mars 430, les Péloponnésiens pénètrent à nouveau dans l’Attique pour ravager le pays et y restent un peu plus d’un mois. En même temps, la peste s’installe dans Athènes.

Les Athéniens font des expéditions navales pour ravager le Péloponnèse et la Thrace mais sans grands succès.

Dans Athènes, les habitants, subissant les malheurs de la peste et de la guerre, en accusent Périclès qui leur avait conseillé la guerre. Périclès les harangue et parvient à leur redonner du courage.

En 429, les Péloponnésiens font le siège de Platée qui résiste. En septembre, ils tentent de maîtriser l’Acarnanie mais la flotte que les Corinthiens devaient envoyer est anéantie par les Athéniens sous le commandement de Phormion.

Les Péloponnésiens reviennent attaquer la flotte de Phormion avec une flotte beaucoup plus importante mais sont à nouveau battus au large de Naupacte.

Fin 429, Périclès meurt, emporté par la peste qui a tué plus d’un quart des Athéniens.

Livre 3 – années 428 à 426 av. J.-C.

En 428, nouvelle invasion des Péloponnésiens qui ravagent la campagne d’Athènes. C’est la pire depuis le début de la guerre.

Les Athéniens font le siège de Mitylène, dans l’île de Lesbos, qui voulait se révolter contre Athènes. Les secours n’arrivant pas, les Mityléniens se soumettent à Athènes.

Les Mityléniens responsables du soulèvement sont envoyés à Athènes où ils seront mis à mort. Cléon voulait mettre à mort tous les hommes de Mitylène pour faire un exemple qui incite les autres à ne pas se soulever. Mais le vote choisit de les épargner.

Pendant l’hiver 428, un groupe de 220 Platéens parvient à quitter la ville assiégée et à rejoindre Athènes.

À l’été 427, la ville de Platée où règne la famine est contrainte de se rendre aux Lacédémoniens. À la demande des Thébains, les Platéens sont jugés coupables, la plupart sont mis à mort et la ville est rasée.

À Corcyre en 427, la sédition règne, le peuple veut maintenir l’alliance avec Athènes alors que les marchands se tournent vers les Péloponnésiens.

Athènes et le Péloponnèse envoient des vaisseaux pour défendre leurs intérêts et un combat naval a lieu devant Corcyre entre la flotte du Péloponnèse et celle de Corcyre soutenue par quelques vaisseaux d’Athènes. La flotte de Corcyre est battue mais les Péloponnésiens repartent ayant appris qu’Athènes envoie des renforts.

Dans Corcyre, le parti du peuple est vainqueur et massacre la plupart des partisans du Péloponnèse.

De telles séditions vont se généraliser dans les villes de Grèce : « En effet, la Grèce fut dans la suite presque tout entière ébranlée, et comme partout y régnait la discorde, les chefs du parti populaire appelaient les Athéniens, et la faction du petit nombre, les Lacédémoniens. On n’aurait eu dans la paix le prétexte ni la facilité de réclamer leurs secours ; mais dans la guerre, ceux qui voulaient susciter quelques nouveautés, trouvaient aisément les moyens de s’attirer des alliés pour nuire à la faction contraire et pour employer leur assistance à se rendre eux-mêmes plus puissants.

Les villes étaient en proie à la sédition, et celles qui s’y livraient les dernières, instruites de ce qui s’était fait ailleurs, s’abandonnaient à de plus grands excès, jalouses de se distinguer par la gloire de l’invention, soit dans l’art qu’elles mettaient à nuire aux ennemis, soit dans l’atrocité jusqu’alors inouïe de leurs vengeances.

Ainsi, par les séditions, la Grèce fut infectée de tous les crimes. La simplicité, qui est surtout l’apanage des âmes nobles, fut un objet de risée et disparut. Il fallait être toujours en défiance les uns contre les autres, toujours sur ses gardes. On ne pouvait se fier, pour en venir à une réconciliation, ni à la parole la plus sûre, ni aux serments les plus terribles.

Ce fut à Corcyre que commencèrent la plupart de ces excès. On y osa tout ce que peuvent se permettre des malheureux qu’on a longtemps gouvernés avec insolence au lieu de les traiter avec modération, et qui veulent rendre ce qu’on leur a fait souffrir ; tout ce dont sont capables des infortunés qui veulent se délivrer de leur misère accoutumée, et qui, dans la passion qui les trouble, ne songent qu’à s’emparer des richesses d’autrui. »

Fin 427, la peste reprend à Athènes et va durer une année faisant de gros ravages dans l’armée.

À l’automne 427, Athènes envoie vingt vaisseaux en Sicile où les Syracusains et les Léontins s’affrontent. Ces derniers ont fait appel à Athènes. Les troupes d’Athènes et de Rhégium attaquent les îles éoliennes sans grand succès.

En Sicile, en 426, Athènes prend le contrôle de Messine et de Mylès.

En 426, les Athéniens tentent de prendre l’Étolie sans succès. Une bonne partie des forces est massacrée par les Étoliens, les autres se replient sur Naupacte.

À l’automne 426, les Péloponnésiens à la demande des Ambraciotes, veulent prendre Argos d’Amphiloquie. Ils se retrouvent en présence de l’armée composée d’Athéniens, d’Acarnanes et d’Amphiloques à Olpès. Les Athéniens mettent en déroute les Lacédémoniens qui sont autorisés à faire secrètement leur retraite. Quand les renforts ambraciotes arrivent, les Lacédémoniens sont partis et l’armée athénienne les surprend dans leur camp et les massacre. Ce fut la bataille où il y eut le plus grand nombre de morts.

Livre 4 – années 425 à 422 av. J.-C.

En 425, les Athéniens, conduits par le général Démosthène, installent un camp fortifié à Pylos, qui se trouve à 65 kilomètres de Sparte. Les Lacédémoniens veulent détruire ce camp et l’attaquent par la mer. Mais ceux de Pylos les empêchent de débarquer.

La flotte athénienne arrive en renfort et détruit les vaisseaux péloponnésiens ou les fait fuir. Ils encerclent une troupe de Lacédémoniens débarqués dans l’île de Sphactérie faisant face à Pylos. Lacédémone demande un armistice.

Lacédémone envoie une délégation à Athènes pour demander la paix et qu’on libère les hommes enfermés dans Sphactérie. Les Athéniens, menés par Cléon, veulent que les hommes de Sphactérie soient amenés à Athènes et ne seront libérés que si Lacédémone rend Nisée, Pagues, Trézène et l’Achaïe. La paix échoue et les hostilités reprennent à Pylos pour sauver les hommes bloqués à Sphactérie.

À Pylos, les Athéniens manquent de tout alors que les Lacédémoniens enfermés dans l’île parviennent à être ravitaillés. Cléon est envoyé d’Athènes pour en finir. Fin juillet, Cléon est sur place et les Athéniens attaquent les Lacédémoniens. C’est une victoire complète : « Voici le nombre de ceux qui périrent dans l’île et de ceux qui furent faits prisonniers. Il y était passé quatre cent vingt hoplites en tout : de ce nombre, deux cent quatre-vingt-douze furent transportés vivants à Athènes, le reste avait été tué. Entre ceux qui se rendirent, on comptait environ cent vingt Spartiates. Les Athéniens perdirent peu de monde, car l’action fut moins une bataille qu’une déroute. »

Ce fut un grand succès pour Cléon qui va alors diriger les Athéniens jusqu’à sa mort en 422 av. J.-C.

En juillet 424, les Athéniens tentent de s’emparer de Mégare avec la complicité d’une faction des habitants. Mais les Lacédémoniens commandés par Brasidas viennent au secours de la ville et chassent les Athéniens.

En août 424, les Lacédémoniens envoient une armée, commandée par Brasidas, en Thrace, afin de convaincre les villes de rompre leur alliance avec Athènes. Il parvient à prendre le contrôle sans combat d’Acanthe et de Stagyre. Brasidas veut ensuite prendre Amphipolis. Thucydide qui se trouve à la tête de sept vaisseaux à Thasos est appelé au secours mais les Amphipolitains se rendent avant qu’il n’arrive.

À l’automne 424, les Athéniens viennent soutenir un soulèvement populaire de la Béotie. Démosthène, arrivant par la mer et Hippocrate arrivant par la terre devaient se retrouver pour attaquer le même jour mais Démosthène arriva en avance, les Béotiens étaient prévenus et Démosthène dû se replier. Hippocrate fut attaqué par les Béotiens et son armée fut repoussée, lui-même fut tué.

Début 423, Brasidas continue sa conquête de la Thrace, il prend d’abord Toroné puis Lécythe. Contrairement à l’usage, Brasidas traite les habitants avec respect. Il se présente comme un libérateur : « Il (Brasidas) avait même, fait déclarer à ceux d’entre eux qui s’étaient réfugiés auprès des Athéniens, que, malgré leur attachement à ce peuple, il n’en aurait pas pour eux moins d’estime ; qu’il était sûr qu’après avoir connu par expérience les Lacédémoniens, ils verraient bien qu’ils n’en devaient pas attendre moins de bienveillance que de leurs anciens alliés, et qu’au contraire ils en éprouveraient bien davantage, parce qu’ils auraient affaire à des hommes plus justes. »

Fin mars 423, les Lacédémoniens et les Athéniens concluent une trêve d’un an.

Après que la trêve soit signée, les villes de Chalcidique, Scione et Mendé font alliance avec Brasidas. Les Athéniens considèrent que c’est contraire à la trêve. Mendé est repris rapidement par les Athéniens, Brasidas étant parti en campagne contre les Lyncestes avec Perdiccas, roi de Macédoine. Les Athéniens font le siège de Scione.

Livre 5 – années 422 à 416 av. J.-C.

Dès la fin de la trêve, Cléon part en Thrace avec trente vaisseaux. Il reprend immédiatement Toroné. Puis il se dirige vers Amphipolis. Là, il attend des renforts pour attaquer la ville. Brasidas en profite pour l’attaquer. L’armée athénienne est mise en déroute, Cléon est tué en s’enfuyant. Brasidas aussi est tué.

Cléon et Brasidas, qui poussaient leurs peuples à la guerre, étant morts, les conditions sont remplies pour négocier la paix durant l’hiver 422-421. La paix est signée le 10 avril 421. Les belligérants doivent rendre les villes prises et libérer tous les prisonniers de la guerre.

Certains alliés de Sparte dont les Argiens rechignant à suivre le traité, Sparte et Athènes font un traité supplémentaire spécifiant qu’Athènes et Sparte s’allieront pour repousser les ennemis qui s’introduiraient sur leur territoire.

La signature de la paix permettra effectivement qu’il n’y ait plus d’affrontement direct entre Sparte et Athènes pendant sept années. Mais les conflits entre les villes grecques ne sont pas réglés pour autant.

Aussitôt après la paix, les Corinthiens et les Argiens font une alliance secrète, la ligue d’Argos, avec l’intention d’y faire participer d’autres villes qui le souhaiteraient. D’autres villes du Péloponnèse se joignent à cette confédération d’Argos à la grande inquiétude de Sparte.

Dès 421, les Athéniens récupèrent Scione par la force.

Durant l’année 421, les Lacédémoniens comme les Athéniens traînent à rendre les conquêtes comme prévu au traité. Fin 421, les magistrats de Sparte changent et les nouveaux sont beaucoup moins favorables à la trêve.

La ligue d’Argos est en pourparlers avec les Béotiens pour qu’ils entrent dans la ligue, mais finalement les Béotiens font une alliance avec Sparte.

En 420, à l’instigation d’Alcibiade et contre l’avis de Nicias, les Athéniens signent une alliance avec les Argiens, les Mantinéens et les Éléens. Les Corinthiens ne participent pas à l’alliance.

En 419, les Argiens en accord avec Athènes ravagent la campagne d’Épidaure sans parvenir à prendre Épidaure.

En 418, Agis II, roi des Spartiates, organise une expédition contre Argos avec ses alliés. Mais au moment du combat, il retire son armée après avoir eu un entretien avec Thrasylle, général d’Argos proposant de régler le différend par la négociation.

Alcibiade arrive alors avec une armée d’Athènes et pousse les Argiens et leurs alliés à continuer la guerre. Ils prennent Orchomène puis se rendent vers Tégée pour la prendre.

Les Lacédémoniens reviennent en force et les deux armées se rencontrent dans la campagne de Mantinée au mois d’août 418. C’est l’une des grandes batailles de la guerre où les Lacédémoniens sont vainqueurs perdant 300 hommes contre 1100 hommes chez les Argiens et leurs alliés.

À la suite de cette défaite, les Argiens, sous la pression des plus riches, font un accord de paix avec les Lacédémoniens. À Argos, le gouvernement populaire est alors remplacé par une oligarchie. Cette oligarchie est de courte durée, à l’été 417, le peuple se soulève et reprend le pouvoir et refait alliance avec Athènes.

En 416, les Athéniens font une expédition vers l’île de Mélos. Ils proposent à la ville de se rendre leur expliquant que c’est leur intérêt de payer un tribut à Athènes, sinon ils seront détruits, les Athéniens étant plus fort qu’eux : « C’est ce que vous éviterez, si vous prenez de sages conseils. Vous ne regarderez pas comme une honte de céder à une grande puissance qui vous offre des conditions modérées, qui vous recevra dans son alliance, et vous laissera maîtres de votre pays à la charge d’un tribut. Vous avez le choix de la guerre ou de votre sûreté : ne prenez pas, par esprit de chicane, le plus mauvais parti. » La ville refusant de se rendre, ils en font le siège. Le siège dure six mois et les habitants se rendent. Tous les hommes en âge de porter les armes sont tués et les autres habitants réduits en esclavage.

Livre 6 – années 415 à 413 av. J.-C.

Le livre 6 commence par l’histoire de la Sicile que les Athéniens s’apprêtent à attaquer.

La ville d’Égeste, en lutte contre Sélinonte fait appel à l’aide des Athéniens. Au début de 415, les Athéniens décident d’envoyer une flotte de soixante vaisseaux commandée à la fois par Nicias, Alcibiade et Lamachus.

Nicias est opposé à cette expédition, il déclare que c’est faire courir un grand danger à Athènes : « Voilà ce que devrait considérer tel qui vous donne des avis ; il ne devrait pas, quand la république est suspendue au-dessus d’un précipice, l’exposer à d’autres dangers, et nous inspirer la cupidité d’un nouvel empire, avant que nous n’ayons affermi le nôtre »

Alcibiade, qui veut briller, répond que l’action est indispensable pour qu’Athènes garde sa puissance : « Demeurer en repos, ou chicaner sur ceux qu’il faut secourir, c’est, après avoir ajouté quelque chose à sa puissance, le moyen de la mettre tout entière en danger. »

La flotte est prête à partir en juin 415.

Les Syracusains sont divisés sur la possibilité qu’Athènes les attaque. Hermocrate voudrait qu’on aille les attendre en mer alors qu’Athénagoras, leader du peuple, ne croit pas à l’arrivée des Athéniens. Les Syracusains se préparent toutefois à la défense.

Pendant qu’il est en mer, Alcibiade est accusé à Athènes de profanation et de vouloir conspirer contre le peuple. Il est rappelé à Athènes. Il refuse de s’y rendre et est alors condamné à mort par contumace. Il se réfugie dans le Péloponnèse.

Les Athéniens prennent Hyccara puis s’installent à Catane. Les Syracusains veulent les attaquer à Catane, mais ils arrivent trop tard, les Athéniens sont partis et s’emparent d’Olympium où ils installent leur camp et le fortifie. Les Syracusains rejoignent alors Olympium.

En novembre 415, les Athéniens attaquent surprenant les Syracusains qui sont mis en déroute.

À la suite de cette bataille, les Athéniens prennent leurs quartiers d’hiver à Naxos pour faire venir des renforts.

Pendant l’hiver, Alcibiade, pour se venger d’Athènes, va à Sparte et conseille aux Lacédémoniens d’envoyer des renforts à Syracuse et d’attaquer l’Attique en révélant tout ce qu’il sait des intentions d’Athènes.

Au printemps 414, les Athéniens prennent les hauteurs d’Épipole près de Syracuse et commencent la construction d’un mur pour isoler Syracuse. Les travaux du mur progressent bien mais Lamachus est tué et Nicias se retrouve seul à commander.

Livre 7 – années 413 av. J.-C.

Les renforts de Lacédémone, conduits par Gylippe, arrivent à Syracuse et redonnent du courage aux Syracusains. Gylippe est victorieux dans une bataille contre les Athéniens et pendant que ceux-ci se retirent en désordre, les Syracusains peuvent terminer un mur qui les met à l’abri des attaques athéniennes.

Des renforts corinthiens arrivent également.

Les Athéniens sont bloqués dans leurs retranchements et la flotte est en mauvais état. Nicias, qui est malade, envoie chercher des renforts à Athènes et reste inactif en attendant.

Pendant l’hiver, les Athéniens préparent leurs renforts pour la Sicile. En même temps, les Lacédémoniens, poussés par Alcibiade, se préparent à attaquer Athènes.

Dès le printemps 413, les Lacédémoniens envahissent l’Attique. Ils fortifient Décélie qui se trouve à une vingtaine de kilomètres d’Athènes.

À Syracuse, les combats reprennent sans grand succès d’aucun côté.

Fin juillet, les renforts athéniens commandés par Démosthène arrivent à Syracuse. Démosthène décide d’attaquer immédiatement Épipole de nuit. La bataille tourne à la confusion pour les troupes d’Athènes qui perdent beaucoup d’hommes.

Suite à cette défaite, Démosthène veut faire rentrer l’armée à Athènes mais Nicias s’y oppose.

Fin août, les Syracusains recommencent à attaquer. Ils attaquent par mer et par terre. Les Athéniens sont battus dans le combat naval.

À la suite de cette victoire, Syracuse fait le blocus du grand port pour empêcher les Athéniens de partir. Les Athéniens mettent toutes leurs forces dans un combat naval pour quitter le port.

Les Athéniens ne parviennent pas à sortir du port. Ils sont battus par la flotte syracusaine. Les généraux voudraient essayer à nouveau de forcer la sortie du port mais les hommes refusent et veulent faire retraite par la terre.

Le 1er septembre 413, l’armée composée de 40 000 hommes abandonne la flotte et prend le départ par terre en direction de Catane. Les Syracusains les harcèlent en chemin. Après quatre jours, Nicias décide de changer d’itinéraire et se dirige vers la mer.

Le 6 septembre, les Syracusains attaquent le groupe commandé par Démosthène qui était en arrière. Ils sont obligés de se rendre et tous les hommes sont emmenés à la ville.

Le 8 septembre, l’armée de Nicias est arrêtée au fleuve Assinare. Beaucoup d’hommes sont tués et Nicias se rend.

Tous les prisonniers sont réunis dans des carrières. Nicias et Démosthène sont tués. Les prisonniers sont gardés dans des conditions atroces où beaucoup meurent : « Déposés dans un lieu profond et découvert, ces malheureux furent d’abord tourmentés par la chaleur du soleil et par un air étouffant ; ensuite, les nuits fraîches de l’automne, changeant leurs souffrances en des souffrances contraires, leur causèrent de nouvelles maladies. Ils étaient forcés de satisfaire, dans un lieu très resserré, à toutes les nécessités de la vie. Les morts mêmes y étaient entassés : les uns étaient morts de leurs blessures, les autres des variations qu’ils avaient éprouvées. On y respirait une odeur insupportable, et les prisonniers étaient à la fois tourmentés de la soif et de la faim. On leur donna par homme, pendant huit mois, une cotyle d’eau et deux de blé. »

Livre 8 – années 412 - 411 av. J.-C.

Dès la nouvelle connue de la défaite d’Athènes, toutes les villes de Grèce pensent à attaquer Athènes. Pendant l’hiver 413, Athènes essaye de reconstruire des vaisseaux et de se réorganiser. Les Lacédémoniens, eux, se préparent à attaquer Athènes.

Dès le début 412, les Lacédémoniens envoient une flotte, sous la conduite d’Alcibiade, à Chio qui est prête à se soulever contre Athènes. Athènes riposte en envoyant également une flotte et arrive tant bien que mal à maintenir ses possessions sur la côte perse en basant une flotte à Samos.

Début 411, les Lacédémoniens commencent à se défier d’Alcibiade et veulent le faire tuer. Alcibiade se réfugie alors auprès des Perses, cherchant à faire tout le mal possible aux Lacédémoniens.

Alcibiade, avec le soutien des Perses, tente d’organiser une conjuration de certains Athéniens pour mettre en place à Athènes une oligarchie.

En février 411, à Athènes, la démocratie est remplacée par une oligarchie dirigée par le conseil des quatre cents.

L’armée athénienne de Samos, qui est hostile à l’oligarchie, fait appel à Alcibiade comptant sur ses relations avec les Perses et le nomme général.

Les Lacédémoniens parviennent à prendre le contrôle de l’Eubée en détruisant une flotte athénienne. C’est une catastrophe pour Athènes qui en tirait sa nourriture. À ce moment, les Lacédémoniens auraient pu envahir Athènes : « Il n’avait qu’à former le siège d’Athènes pour y augmenter encore la dissension, et il aurait obligé la flotte d’Ionie (basée à Samos), toute ennemie de l’oligarchie qu’elle était, de venir au secours de leurs parents et de toute la république. Dès lors, il avait tout, l’Hellespont, l’Ionie, les îles, tout jusqu’à l’Eubée ; et pour ainsi dire, la domination entière d’Athènes. Mais ce n’est pas seulement en cette occasion, c’est en beaucoup d’autres, que les Lacédémoniens firent la guerre, plus que personne, à l’avantage des Athéniens : fort différents de caractère, lents contre des esprits vifs, craintifs contre des hommes entreprenants, ils les servirent bien, surtout pour leur procurer l’empire de la mer. »

L’oligarchie ne dure pas, quatre mois plus tard, elle est renversée par l’armée et le gouvernement du peuple est rétabli.

Au mois de juillet, la flotte de Samos parvient à battre la flotte lacédémonienne dans l’Hellespont, redonnant du courage aux Athéniens.

Là s’arrête le récit de Thucydide.

La fin de la guerre

Le récit de Thucydide s’arrête en 411 av. J.-C. La suite a été racontée par Xénophon en complément du récit de Thucydide.

En 410, la flotte athénienne écrase à Cyzique la flotte lacédémonienne dont le chef, Mindarus, est tué. Sparte propose à Athènes de signer la paix. Athènes, qui a à nouveau la suprématie maritime, refuse.

Fin 410, Sparte reprend Pylos. À cette même époque, Carthage envahit la Sicile, faisant perdre à Sparte le soutien de Syracuse.

En 408, Alcibiade réussit à récupérer les villes de Chalcédoine, Sélymbrie et Byzance. Il rentre à Athènes en 407 pour prendre les pleins pouvoirs militaires.

En 407, Sparte a reconstitué sa force navale confiée à Lysandre qui lui redonne toute sa puissance. En 407, la flotte athénienne qu’Alcibiade avait confiée à Antiochos, est battue et perd quinze navires. Alcibiade est destitué.

Quelque temps après, la flotte athénienne est à nouveau battue par Callicratidas, successeur de Lysandre.

En août 406 a lieu une grande bataille navale aux Arginuses opposant 155 vaisseaux athéniens à 120 vaisseaux lacédémoniens. Callicratidas est tué et les Spartiates perdent 77 vaisseaux contre 25 chez les Athéniens.

Les Spartiates font à nouveau une proposition de paix de nouveau refusée par Athènes.

En 405, Lysandre reprend le commandement de la flotte lacédémonienne reconstituée.

En septembre 405, la flotte athénienne est entièrement détruite par Lysandre dans l’Hellespont. Lysandre peut alors facilement refaire la conquête des possessions athéniennes. Puis en 404 a lieu le siège d’Athènes par mer et par terre.

En avril 404, Athènes, réduite à la famine, doit se soumettre aux conditions fixées par Sparte.

La paix est relativement clémente. Athènes conserve son pouvoir sur l’Attique mais doit renoncer à toutes ses autres possessions. Elle ne conserve que douze vaisseaux et doit détruire le mur protégeant Le Pirée.

Sparte met en place à Athènes un gouvernement autocratique, la tyrannie des Trente. Il ne durera qu’un an et la démocratie est rétablie en 403. Dans les années suivantes, Athènes, sans reprendre sa puissance impériale, redeviendra une grande cité grecque.

Caractéristiques du récit de Thucydide

Dans son histoire de la Guerre du Péloponnèse, Thucydide se consacre aux faits sans chercher à les commenter ni à prendre parti pour un camp ou l’autre.

On l’oppose en cela à Hérodote qui racontait l’histoire comme une épopée à la manière d’Homère.

Il raconte la guerre telle qu’il l’a vue, ayant pressenti dès son commencement l’importance qu’elle allait prendre : « Il (Thucydide) a commencé son travail dès le temps des premières hostilités, persuadé que ce serait une guerre d’une grande importance, et même plus considérable que toutes celles qui avaient précédé. »

Son récit est agrémenté d’un certain nombre de discours qu’il a reconstitués en imaginant ce qu’auraient pu effectivement dire les protagonistes : « Rendre de mémoire, dans des termes précis, les discours qui furent tenus lorsqu’on se préparait à la guerre ou pendant sa durée, c’est ce qui était difficile pour moi-même quand je les avais entendus, et pour ceux qui m’en rendaient compte, de quelque part qu’ils les eussent appris. Je les ai rapportés comme il m’a semblé que les orateurs devaient surtout avoir parlé dans les circonstances où ils se trouvaient, me tenant toujours, pour le fond des pensées, le plus près qu’il était possible de ce qui avait été dit en effet. »

Thucydide ne porte pas de jugement sur les hommes, toutefois, à travers les récits, on ressent son opinion. Il admirait manifestement Périclès. Il considérait Nicias comme incapable de se décider. Cléon était un ambitieux utilisant les autres pour se faire valoir. Alcibiade était un arriviste prêt à tout pour sa gloire personnelle.

Thucydide était un fervent partisan de la démocratie. Voilà ce qu’il met dans la bouche d’Athénagoras, chef du peuple de Syracuse : « On dira que la démocratie est absurde et inique, et que les riches gouvernent le mieux. Je réponds d’abord que ce qu’on appelle le peuple est l’État tout entier, et que ce qui forme l’oligarchie n’en est que le petit nombre ; ensuite que les riches sont excellents pour garder les richesses, les gens sages pour donner des conseils, et le peuple pour juger, après avoir entendu un bon exposé des affaires. Dans la démocratie, ces différents ordres, pris ensemble et séparément, jouissent des mêmes droits : au lieu que l’oligarchie abandonne les dangers au grand nombre ; et non contente de ravir la plus grande partie des avantages, elle les usurpe tous. »

Le huitième livre est d’une qualité moindre que les autres. Il est probable que Thucydide qui a été arrêté par la mort ne l’avait pas retravaillé autant que les autres.